4 - Discussion

4.1 - Origine éco-physiologique de la bipédie des Hominidés


C'est durant l'Oligocène, plus précisément entre 29 et 23 Ma, que les Catarhiniens, communément nommés singes de l'Ancien Monde (Afrique et Eurasie), bifurquent, avec d'un côté les Cercopithécoïdes (Cercopithécidés : babouin, colobe, macaque, théropithèque), les singes à queue, et de l'autre, les Hominoïdes (Hylobatidés : gibbon - Hominidés), les singes sans queue (Goodman, 1963 ; Cronin, 1983 ; Stevens et al., 2013). Retrouvés en Arabie Saoudite, les fossiles de l'espèce Saadanius hijazensis, aux caractères à la fois proches des Cercopithécoïdes et des Hominoïdes, témoignent encore de ce passé (Zalmout et al., 2010). Aussi, tandis qu'un primate comme l'espèce Proconsul major, habite dans les forêts tropicales d'altitude d'Afrique et dépasse aisément les 70 kg, l'espèce Proconsul africanus présente des molaires mandibulaires à 5 cuspides, propres à la fois aux petits Hominoïdes, tels que les Hylobatidés, et aux grands Hominoïdes, tels que les Hominidés. Le genre Proconsul périclitant à partir de 14 Ma et ses fossiles les plus anciens remontant à 23 Ma, les Hominidés et les Hylobatidés divergent donc possiblement pendant ce laps de temps (Andrews et al, 1987). Les analyses moléculaires précisant entre 18 à 12 Ma, soit entre 18 et 14 Ma… Par ailleurs, cette dentition se retrouve, en Europe, entre environ 12 et 10 Ma, chez le genre Dryopithecus. Si sa taille, ne dépassant pas les 60 cm, le rapproche toujours des petits Hominoïdes, l'absence d'appui sur les phalanges le rapproche clairement des grands Hominoïdes. Ainsi, au sein de genres comme Saadanius (famille des Saadaniidés) et Proconsul (famille des Proconsulidés), qui témoignent d'un patrimoine génétique complexe, se distingue progressivement le genre Dryopithecus, classé à la base même des Hominidés (Xiang-Xu et Delson, 1989 ;  Begun, 2009). Aussi, les mutations génétiques, telle que la perte de queue chez les Hominoïdes, induisent autant un saut saltationniste (gène homéotique hox), de type monstres prometteurs (Goldschmidt, 1915), qu'elles induisent une adaptation graduelle à des conditions extrêmes. Force est de constater que cette modification, qui rend les déplacements arboricoles plus difficiles, les oriente vers de nouvelles stratégies alimentaires. Cela d'autant plus qu'un froid glacial justifie métaboliquement le sacrifice d'un membre non vital (soudure des vertèbres coccygiennes). Alors, du refroidissement intense (extinction), qui perdure de l'Oligocène inférieur jusqu'au Miocène, il y a 23 Ma, découlent physiologiquement les Hominoïdes, soit les grands singes.

Possible héritier des Dryopithèques, l'Oréopithèque se caractérise par la démarcation première d'une bipédie arboricole. De façon hypothétique, le genre Pongo (orang-outang) se détachant des Homininés (sous-famille des Hominidés) il y a quelques 15 Ma (sous-famille des Ponginés), soit des genres Gorilla, Homo et Pan, le genre Oreopithecus diverge des Ponginés, il y a entre 15 et 10 Ma. Cela étant, sa classification reste énigmatique (Delson et al., 2000)… C'est à partir de 10 Ma, au Miocène, que le genre se distingue en Afrique comme en Europe, avec une installation spécifique en Toscane, une région alors marécageuse (forêt marécageuse). Intrinsèquement, la formation de l'île de Toscane confère à un isolat d'engendrer de nouvelles réponses adaptatives, telle qu'une station bipède récursive pour se déplacer à terre et récolter les fruits tombés dans une eau encore peu profonde (bipédie toujours assistée). Quoi qu'il en soit, retrouvés sur les sites ligneux d'Italie, en Toscane, et datés de quelques 8 Ma, les fossiles de vertèbres lombaires (courbure), de sacrum (court et élargi), de fémur et de talon (large), appartenant à l'espèce unique, Oreopithecus bambolii, correspondent avec une bipédie courante. Aussi, tandis que les membres supérieurs (longs membres) évoquent une adaptation à la suspension, de type brachiation, les membres inférieurs évoquent encore les pieds préhensibles d'un oiseau (hallux / serres opposables). De la fin de cet isolat protecteur (manque de nourriture, arrivée des prédateurs), les descendants de ces Primates s'adaptent ou périclitent (Russo, 2013). Dans tous les cas, les glaciations du Pléistocène (Eburonien et Ménapien) entrainent la diminution du niveau des eaux et permettent progressivement à des ponts de terre d'émerger, redistribuant les écosystèmes. Alors, l'évolution comportementale, qui résulte autant qu'elle enclenche des processus biologiques, induit des transformations ouvrant sur les nouvelles espèces.

Par ailleurs, entre 10 et 7 Ma, se démarquent de nouveaux Ponginés, en Europe orientale (Grèce, Hongrie et Turquie), tels que ceux du genre Ouranopithecus, considérés comme très proche de la lignée humaine (Bonis et al., 1990 ; Bonis et Koufos, 2004). Les racines fusionnées de deux prémolaires et la finesse des canines de l'unique espèce retrouvée, Graecopithecus freybergi, orientant en ce sens (Koufos, 2005)… Datés de 7,2 Ma, ses fossiles proviennent des Balkans, en Grèce, et soulignent la possibilité d'une souche humaine en Europe, plutôt qu'en Afrique. Bien-sûr, diverses évolutions sont envisageables, d'autant qu'un nouveau genre d'Hominidé africain, l'Hominien Paranthropus, aux traits similaires à l'Ouranopithèque, se distingue à la fin du Pliocène, il y a environ 2,7 Ma (Gélasien), pour perdurer jusqu'au Pléistocène moyen, il y a environ 1 Ma (Calabrien). Somme toute, une évolution buissonnante, avec diverses hybridations, s'inscrit possiblement dans l'Histoire (Wood, 2004). Ainsi, le genre Paranthropus se ramifie vraisemblablement au genre Australopithecus, apparu au Pliocène inférieur, il y aurait 4,2 Ma (Zancléen), en Afrique, avec une adaptation bipède dès 4 Ma. Ces derniers vivent encore principalement dans les arbres et ne pratiquent qu'une bipédie opportuniste (Thorpe, 2007). Ils périclitent pendant la première glaciation du Pléistocène (Eburonien), vers 2 Ma (Gélasien). La survivance des Paranthropes, alors même que le genre Homo est bien installé, avec Homo rudolfensis et Homo habilis, ou même plus tard Homo georgicus, Homo ergaster et Homo erectus, confirme une pression vraisemblablement plus climatique qu'anthropique. L'évolution possible du genre Australopithecus en genre Homo s'imposant in fine comme la version simplifiée d'une diversité toute aussi possible des différents genres originaires (évolution parallèle)…

Aussi, si Homo georgicus et Homo ergaster se retrouvent hors d'Afrique, à la fin du premier âge glaciaire du Pléistocène (1,8 Ma), pour le premier, et au début du second âge glaciaire (1,5 Ma), pour le second, des fossiles plus anciens, évalués à 2,6 Ma, indiquent l'existence antérieure du genre Homo, voire de Pré-Homo, en Asie. Au final, le site de Masol, dans les piémonts himalayens du Pendjab, en Inde, prouvant autant la présence d'Hominiens que d'Hominidés… En effet, des fossiles d'Hominidés du genre Sivapithecus, retrouvés non loin du site, comprenant trois espèces inidentifiables et une proche du genre Pongo (orang-outan), suggèrent différentes évolutions possibles, dont une lignée du genre Homo hors d'Afrique (Pickford, 2010). C'est à partir de 13 à 8 Ma que le genre Sivapithecus se distingue dans la chaîne des Siwaliks (Piémonts himalayens), reliant l'Inde au Pakistan. Son anatomie le rapproche autant du genre Gigantopithecus, le plus grand Hominidé jamais enregistré (entre 2 et 3 m), disparu au Pléistocène inférieur, il y aurait 1 Ma (Calabrien), que de l'orang-outang (Kelley et al., 1995). Cela étant, des traces de boucherie (tibia de stégodon), associées à des éclats, enclumes, galets taillés et percuteurs, signalent l'empreinte prégnante d'Hominiens (Gaillard et al., 2016 ; Malassé, 2016).

De façon méthodique, en s'aidant de leurs bras et de leurs mains, pour attraper les fruits sommitaux, le genre Pongo pratique une bipédie assistée dans les branches. Cette cueillette, qui requiert obligatoirement le lâcher d'une main, relie l'équilibre à l'agilité et vient renforcer le message cognitif. Plus encore, l'ontogenèse augmentée, qui découle soit d'un environnement adéquat soit de l'établissement d'un écosystème propice, agit comme un nouveau levier évolutif. Etant donné que l'orang-outan se fabrique une structure confortable pour dormir allongé dans les arbres, diminuant ainsi le risque de prédation tout en augmentant le confort de vie, des facteurs éco-physiologiques similaires, en prise avec des éléments naturels du Plio-Pléistocène, déterminent de nouveaux moteurs évolutifs (Didik et al., 2009). Par une recherche optimale de confort, une maïeutique se met progressivement en place chez les Hominidés, les rendant progressivement plus robuste. Ainsi, tandis que la femelle du genre Pan ne dispose que d'une gestation évaluée à 237 jours, celle des genres Gorilla et Pongo est évaluée à 260 jours, et celle du genre Homo à 273 jours.

Hominien


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